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Leadership d’entreprise : pourquoi le ton donné au sommet a des conséquences morales

En novembre, Air Canada a fait la une des journaux lorsque son PDG a donné une conférence à la Chambre de commerce de Montréal et a admis qu’il ne parlait pas français. Michael Rousseau vit depuis plus de dix ans à Montréal, où se trouve le siège d’Air Canada. Il s’est depuis excusé et s’est engagé à apprendre le français. Cependant, les retombées de son discours se poursuivent.

Un homme aux cheveux gris sourit.
Le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, s’est retrouvé dans l’eau chaude pour son incapacité à parler français.
Air Canada

Plus récemment, le PDG de SNC-Lavalin a reporté un discours qu’il devait prononcer à Montréal, s’engageant à améliorer d’abord son français. L’attention portée par les médias à Air Canada et à SNC-Lavalin illustre l’importance du comportement des PDG. En effet, ce que les PDG disent et la manière dont ils le disent sont essentiels – ils donnent le ton au sommet de l’entreprise et peuvent avoir des répercussions considérables.

Ton au sommet : qu’est-ce que c’est, à quoi ça sert

Le ton au sommet fait référence, de manière générale, à ce dont parlent les dirigeants d’une entreprise, à la manière dont ils parlent, à ce qu’ils font et comment ils le font. Le ton au sommet est interne lorsque les dirigeants parlent aux employés et agissent au sein de l’organisation. Elle est externe lorsque les dirigeants s’adressent à un public plus large, comme dans le discours de Rousseau à Montréal, et que leurs actions se déroulent à l’extérieur de l’organisation. Le ton au sommet peut être diffusé de différentes manières : il peut être en personne ou à distance (par le biais de journaux, de communiqués de presse, de rapports, de médias sociaux, de vidéos). Le ton au sommet révèle le raisonnement moral des dirigeants de l’organisation, révélant ce qu’ils croient être bien ou mal et ce qui compte ou non. Lorsque des PDG donnent des conférences dans une région francophone mais ne parlent qu’en anglais, cela révèle leurs convictions quant à l’importance de la langue – et quelle langue ils estiment la plus importante. Le raisonnement moral révélé par le ton au sommet a des conséquences. Les PDG ont de l’autorité en raison de leur position au sommet de la hiérarchie de l’entreprise. Ce qu’ils disent et font se répercute dans la hiérarchie sur tous les employés, légitimant ainsi des comportements particuliers. Un PDG qui parle anglais dans un milieu francophone signale qu’il est acceptable de le faire et de ne pas parler français.

Ton au sommet – le mauvais et le bon

Le ton donné au sommet a donc un poids moral. Cela peut promouvoir une culture particulière au sein d’une organisation, encourageant les employés à se comporter de manière plus ou moins morale. Le ton donné au sommet peut contribuer à une culture autorisant le harcèlement. Le PDG d’Uber, Travis Kalanick, a par exemple démissionné en 2017 après qu’une enquête interne ait révélé un harcèlement sexuel généralisé sous sa direction. La culture d’entreprise peut créer un climat dans lequel le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, prospère si les dirigeants sont passifs, évitent de prendre des décisions et n’interviennent pas face à un comportement inapproprié jusqu’à ce que de graves problèmes surviennent. Le ton « laissez-faire » signale qu’un comportement inapproprié est toléré, légitime et ne sera ni puni ni corrigé. Les auteurs sont encouragés, les victimes réduites au silence ; les spectateurs sont au courant du comportement mais ne l’arrêtent pas.

Une femme est assise devant un ordinateur portable, la tête entre les mains.
Si un comportement tel que le harcèlement sur le lieu de travail n’est pas pris en compte, il s’envenime au sein de l’organisation.
(Piqsels)

Un leadership hostile, caractérisé par un comportement agressif qui crée un climat de peur et de silence, ne fait qu’exacerber ce problème. Les comportements problématiques favorisés par le ton au sommet sont multiples et comprennent les délits d’initiés, les fausses déclarations et la gestion des bénéfices. D’un autre côté, le ton au sommet peut promouvoir une culture saine lorsque les dirigeants donnent l’exemple d’un comportement moral. Les femmes dirigeantes d’entreprises canadiennes que j’ai interviewées soulignent souvent l’importance de l’attention et de l’empathie dans le leadership. Une dirigeante a parlé de ce que les gens apprécient, soulignant qu’ils « n’appuieront pas quelque chose d’illégal ou quoi que ce soit d’autre ». La confiance et l’intégrité sont donc des facteurs de réussite ». Elle a expliqué que la confiance nécessite une « pensée intégrative », qui « découle de l’écoute et de l’ouverture ».

Ton au sommet : que faire à ce sujet

Idéalement, les dirigeants sont à l’écoute de leurs communautés, se comportent de manière responsable et donnent l’exemple d’un bon comportement. Ils sont conscients du poids moral particulier de leurs paroles et de leurs actes. Pour y parvenir, il faut commencer tôt. Les dirigeants sont le produit de la culture de leur société. L’éducation est essentielle pour s’assurer que nous sommes tous conscients de ce que nous disons et faisons, de la façon dont cela résonne avec les autres et de l’impact que nos paroles et notre comportement ont sur eux. Plus près des bureaux exécutifs, les conseils d’administration sont chargés de surveiller les dirigeants d’entreprise ; ils doivent agir de manière proactive avant qu’une crise ne se produise.

Une femme s'adresse à un groupe d'employés assis à une table de réunion.
Les femmes dirigeantes affirment que la bienveillance et l’empathie sont des éléments essentiels du leadership moral.
(Shutterstock)

Pour ce faire, ils doivent définir ce qu’ils considèrent comme un comportement approprié et ce qui dépasse les limites en posant des questions sur les attentes, les priorités et la manière dont les dirigeants agissent et parlent. Ils doivent expliquer ce qui se passe lorsque les limites sont franchies. Les membres du conseil d’administration doivent exploiter ces informations au cours du processus de recrutement afin d’identifier les dirigeants qui conviennent le mieux à l’entreprise et, par la suite, accompagner et évaluer les dirigeants de manière complète et régulière.

La conversation

Claudine Mangen, professeure RBC en organisations responsables et professeure agrégée, Université Concordia Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l‘article original.

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RBC Professor in Responsible Organizations and Associate Professor, Concordia University

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